Représentations théâtrales de plein air - Billetterie en ligne - Placement libre.
"Sacré collège", pièce écrite par Gabriel Schoettel et mise en scène par Yves Grandidier.
Prologue
De nos jours, quelques enfants de onze ans qui vont entrer au collège demandent à un vieux professeur de leur raconter la création du collège de Merledorf.
Tableau 1 / Rentrée des classes primaires à Merledorf en 1976
Venu assister à la rentrée des classes dans la toute nouvelle école primaire, le maire est interpellé par des parents d'élèves : où les C.M.2 poursuivront-ils leur scolarité l'année prochaine ?
Le collège du bourg voisin de Wasenheim est saturé, il est loin, et de lourds et obscurs contentieux existent entre les deux communes. Si le maire de Wasenheim, qui arrive justement sur les lieux en sa qualité de conseiller général, affirme que les enfants d'ici auront l'obligation d'aller au collège de Wasenheim, le maire de Merledorf laisse entrevoir une possibilité de collège ici même.
Tableau 2 / Au courant de l'année scolaire 1976-1977, au Tannenfels
Pierre Pflimlin a proposé au maire de Merledorf de lui faire rencontrer l'ancien ministre de l'Education Nationale, compagnon de parti des deux premiers, pour faire avancer son dossier de création d'un collège à Merledorf. Mais l'ancien ministre et Pflimlin échangent surtout sur la situation internationale et nationale, et le maire de Merledorf a beaucoup de mal à faire dévier la conversation sur son collège. C'est un coup de théâtre, sous la forme du passage dans le restaurant du maire de Wasenheim, qui débloquera la situation : l'ancien ministre s'occupera personnellement du dossier !
Une serveuse bien typée du Tannenfels apportera aussi son grain de sel tout le long du déjeuner.
Tableau 3 / Au courant de l'année scolaire 1977-78, dans une salle de classe vétuste qui sert de salle provisoire au collège.
C'est la rencontre parents-profs. Deux jeunes profs, à chaque coin de la salle, reçoivent tour à tour les parents d'élèves du nouveau collège.
C'est l'habituel défilé avec ses épisodes comiques ou consternants. Avec les parents, puis entre eux, rejoints par deux autres profs lorsque la réunion est terminée, les profs protestent contre le fonctionnement, la composition des classes, les conditions de travail.
Pour l'heure, cet établissement n'est qu'une annexe du collège Saint Exupéry de Wasenheim, qui n'est pourvu d'aucune autonomie. A-t-il seulement un avenir ? Ils n'ont guère envie de s'installer ici. La syndicaliste de service propose de faire grève. Ils font le serment de se soutenir mutuellement et de lutter pour la création effective du collège : « Tous pour un, un pour tous ! » : ils seront les 4 mousquetaires de Merledorf.
Tableau 4 / En fin d'année scolaire 1978-79, dans la salle des profs
Divers duos, duels, intrigues, conjurations se nouent autour de la machine à café et de la ronéo. On échange sur l'évolution catastrophique de l'Education Nationale, sur l'outrecuidance des parents, sur la veulerie de la hiérarchie, sur l'incompétence du ministre, sur la baisse du niveau. Chaque échange est ponctué comme un mantra par « Il faut faire grève » assené par la prof syndicaliste. C'est alors qu'arrivent, précédés par une secrétaire un rien hystérique, la présidente des parents d'élèves, le maire de Merledorf, et celui qui est à la fois Principal du collège de Wasenheim, maire de Wasenheim et conseiller général. On annonce aux profs que la décision est officiellement prise de construire un collège à Merledorf.
Mais sera-t-il autonome ou dépendra-t-il toujours de celui de Wasenheim ? Les 4 mousquetaires jurent de rester si le collège se fait en toute autonomie.
Tableau 5 / Juin 1981, devant une baraque ajoutée au collège, dans une chaleur atroce
Pendant que les élèves de 3e sortent, et que certaines filles en short moulant, dos nus et devants largement échancrés, tentent en vain d'attirer l'attention de deux profs masculins, ceux-ci se précipitent l'un sur une bouteille d'eau fraîche, l'autre sur sa cigarette. Ils sont bientôt rejoints par leurs deux collègues féminines. Ils évoquent la chaleur insupportable dans les baraques, les évanouissements des élèves, le bruit des camions qui passent devant le collège, s'inquiètent de savoir si la construction du collège sera terminée pour la rentrée et s'il sera finalement indépendant de celui de Wasenheim.
De plus en plus exaltés, ils se réjouissent de la victoire de la gauche, envisagent des lendemains qui chantent grâce à un grand service unifié de l'Education nationale qui absorberait l'enseignement privé. La syndicaliste suggère une « grève de soutien » au gouvernement.
Dans l'euphorie et la chaleur du moment, et sous l’œil ébahi des élèves, les quatre profs se mettent à improviser une danse de la pluie censée apporter un peu de fraîcheur, accélérer les travaux, et favoriser les desseins de la gauche au pouvoir.
Tableau 6 / Septembre 1981, dans la salle du conseil d'administration du nouveau collège, cependant que des ouvriers terminent les derniers ajustements.
Après quelques points mineurs vite expédiés (le poids des cartables, la fréquence des raviolis et des frites à la cantine…) le nouveau principal en titre introduit le point crucial : le choix d'un nom pour le collège. Si les parents d'élèves penchent pour Erckmann-Chatrian, le maire de Merledorf pour Sainte Odile et celui de Wasenheim, en sa qualité de conseiller général, pour André Malraux, les quatre profs, forts de la victoire de la gauche, proposent Léon Blum en arguant de l'origine alsacienne de celui-ci. Un énorme chahut s'ensuit, chacun voulant convaincre les autres de la justesse de sa proposition. Un des ouvriers intervient pour calmer le jeu. Et c'est la proposition du nouveau Principal qui fait consensus : le collège s'appellera collège Grandidier, du nom de l'historien de l'Alsace du 18 ème siècle qui a consacré quelques pages élogieuses à Merledorf !
Tableau 7 / Devant les cigognes « œuvre d'art » qui ornent l'entrée du collège.
C'est l'inauguration du collège Philippe-André Grandidier en présence de la population et des élèves. Les coupers de ruban, déambulations et discours se succèdent : celui du conseiller général, celui de Pierre Pflimlin et celui du maire de Merledorf, qui est décoré des Palmes académiques. Les quatre mousquetaires persiflent beaucoup entre eux, mais jurent de rester fidèles à ce collège et à l'enseignement.
Epilogue
Le vieux prof, seul rescapé des quatre mousquetaires, tire quelques conclusions de l'aventure et relativise les changements intervenus en cinquante ans.